Le titre du concert - Pour basson - est à entendre dans sa littéralité : les deux pièces au programme explorent en effet des phénomènes acoustiques propres à la facture de cet instrument - son mode vibratoire spécifique, le complexe comportement de ses harmoniques, les pics de fréquence prononcés, ou formants, qui caractérisent son enveloppe spectrale.
Mais il sera aussi donné à entendre encore plus littéralement, pour ne pas dire étymologiquement : pour bas son(s). Ces compositions ont en effet en commun de déployer les architectures sonores volatiles qui puisent leurs racines dans les deux notes les plus graves du basson - respectivement le Si bémol pour Occam XIII et le Si bécarre pour astrum, trigonum, speculum.
Au delà, on peut s’aventurer à dire que ce concert est davantage pour basson que pour bassoniste. Le matériau façonné ici est fragile, versatile; l’instrumentiste s’applique à le modeler, mais son jeu est modelé en retour par la réponse de son instrument. Ainsi s’instaure un agile dialogue entre basson et bassoniste ; la ligne musicale, qui s’en dégage, est un tracé parmi d’autres possibles.
Dans cette ouverture à la variabilité, l’interprétation de la composition devient aussi une interprétation des circonstances de la performance. Le multiple, qui constitue chaque instant donné, est rendu audible. Non seulement il affecte accidentellement le son produit, mais celui-ci devient l’expression de son unification temporaire. Par multiple, on entendra ici la résonance particulière d’une certaine salle, tel degré de résistance du roseau, l’activité extérieure de la ville, ou vous, auditeur, et la manière dont votre présence informe objectivement et subjectivement cette situation acoustique.
Partenariat
Théâtre Joliette-Minoterie
Coproduction
GMEM
Pour astrum, trigonum, speculum :
Commande musicale
GMEM
Dafne Vicente-Sandoval
bassoniste
Née en 1979 à Paris, Dafne est une bassoniste qui explore le son à travers l’interprétation de musique contemporaine, l’improvisation et la réalisation d’installations sonores.
Sa pratique instrumentale s’articule autour de la fragilité sonore et de son émergence au sein d’un espace donné. En situation de concert, cette recherche la place souvent sur la ligne de partage entre contrôle et instabilité.
Dafne s'investit dans des collaborations à long terme, grâce auxquelles son travail s'enrichit au contact d’autres artistes tout en conservant son intégrité. Ces dernières années, elle a notamment travaillé avec les compositeurs Jakob Ullmann, Éliane Radigue, Klaus Lang et Peter Ablinger, ainsi qu’avec les improvisateurs Pascal Battus et Klaus Filip.
Son travail est régulièrement présenté dans des festivals de musique contemporaine (Huddersfield Contemporary Music Festival, Angleterre ; Musikprotokoll, Graz, Autriche ; Blurred Edges, Hambourg, Allemagne ; El Nicho, Mexique ; Tectonics, Glasgow, Royaume-Uni), ainsi que dans des festivals de musique expérimentale (No Idea, États-Unis ; Konfrontationen, Autriche) ou d’art sonore (Tsonami, Chili).
Eliane Radigue
compositrice
Compositrice française née le 24 janvier 1932 à Paris, Eliane Radigue est l'auteur d'une œuvre singulière voire sans égale dans le paysage musical français.
Elle naît et grandit à Paris puis se marie à Nice avec l'artiste peintre Arman, avec qui elle a trois enfants. Elle côtoie l'ensemble du groupe de Nice et d'autres artistes comme Ben, Robert Filliou, Yves Klein. Elle a étudié le piano et la harpe et s'est essayée assez tôt à la composition. Son travail a commencé dans les années 50 après avoir entendu pour la première fois, à la radio, une émission consacrée à Pierre Schaeffer, initiateur de la musique concrète. Elle le rencontre peu après, lors d'une conférence consacrée à Gurdjieff. Il l'invite au Studio d'essai puis elle devient l'une de ses élèves et travaille au studio lors de séjours à Paris.
À la fin des années 50, elle met un terme à ses fréquentations du Studio d'essai et se consacre à animer des conférences sur la musique concrète. Éliane Radigue et Arman vivent à Nice jusqu'à leur séparation fin 1967. Elle s'installe alors à Paris et reprend la composition tout en étant assistante de Pierre Henry. Elle participe à l'élaboration de la pièce « L’Apocalypse de Jean ». Lorsqu'elle était au Studio d'essai, elle avait déjà effectué quelques montages pour la pièce « L'occident est bleu ». C'est au sein du studio Apsome qu'elle développe sa technique et commence à composer des pièces où l'on retrouve des éléments musicaux qui constitueront plus tard l'originalité de sa musique : l'utilisation de drones, le feedback et le larsen, une dilatation extrême du temps, des variations infimes des composantes du son.
Toutes ces pratiques sont éloignées des idéaux de Schaeffer et Henry. Par conséquent, elle prend un peu de distance avec le GRM et travaille avec du matériel de studio chez elle (micros, magnétophone à bandes). En parallèle, elle fait des voyages aux États-Unis où elle rencontre nombre de compositeurs minimalistes : La Monte Young, Alvin Lucier, Charlemagne Palestine, James Tenney, Steve Reich, Philip Glass, Phill Niblock.
En 1970, elle séjourne un an à New York où elle s'initie au travail sur synthétiseur à l'Université de New York. Dans un studio qu'elle partage avec Laurie Spiegel, elle y compose sa première musique uniquement basée sur l'usage du synthétiseur, un modèle Buchla installé par Morton Subotnick.
C'est là qu'elle découvre le synthétiseur modulaire ARP 2500, qui deviendra son instrument jusqu'en 2000. Au tournant des années 2000, elle fait une collaboration avec Kasper Toeplitz et abandonne le synthétiseur pour des instruments acoustiques.
Catherine Lamb
compositrice
Catherine Lamb (née en 1982 à Olympia, États-Unis) est une compositrice explorant un matériau tonal élémentaire, les nuances appliquées à ce dernier, et la relation qui en découle face aux êtres mis en présence de ces phénomènes vibratoires. Sa famille ayant beaucoup voyagé pendant sa jeunesse, elle a alors pu découvrir de nombreuses approches musicales et des modes d’écoute, la poussant rapidement à la composition. En 2003, elle se détourne du Conservatoire pour tenter de comprendre les structures et intonations de la musique hindoustanie (musique savante du Nord de l’Inde, du Népal…), rencontrant alors Mani Kaul en 2006 (qui était en lien direct avec un des maîtres du genre Zia Mohiuddin Dagar), et dont l’approche philosophique du son a eu un réel impact sur son travail de compositrice. Entre 2004 et 2006, elle étudie la composition expérimentale au California Institute of the Arts, sous la direction de James Tenney et Machael Pisaro, qui, depuis, sont des influences majeures dans son travail. C’est à cette même époque qu’elle commence à développer son langage autour de l’intonation juste, qui devint alors une manière d’explorer l’interaction entre les sons et les nuances toujours fluctuantes, là où ces interactions intrinsèques et celles qui en découlent naturellement sont devenues des éléments structurels de son œuvre. Depuis, elle a composé de nombreuses pièces pour ensembles (avec parfois de discrètes interventions électroniques) et continue de s’intéresser à des nouveaux territoires à travers différents types de recherches, collaborations et pratiques (étant elle-même violoniste). Elle est diplômée de la Milton Avery School of Fine Arts associé au Bard College (New York) en 2012 et réside actuellement à Berlin.
Théâtre Joliette
2, place Henri Verneuil13002
Marseille
DURÉE
1h00 environ
TARIFS
Unique 6€
Pass 5€
Dafne Vicente-Sandoval
basson
ŒUVRES DE
Eliane Radigue
Occam Xlll - 2015
Catherine Lamb & Dafne Vicente-Sandoval
astrum, trigonum, speculum - 2017