Initiée en 2020, la collection de l’Ircam intitulée Musiques-Fictions propose une expérience à la fois littéraire et sonore inédite, associant un texte contemporain à une création musicale, dans un dispositif de diffusion immersif.... Installé·e sous le dôme de diffusion ambisonique de l’Ircam composé de 49 haut-parleurs, reconstitué dans le Module du GMEM, l’auditeur·rice est convié·e à une écoute où l’imagination est sollicitée par un environnement sonore aux possibilités expressives étendues permettant de reproduire une
situation d’écoute proche de celle du monde réel, de la grande scène spectaculaire aux plus infimes détails du discours intime.
Cette Musique-Fiction intitulée « Un pas de chat sauvage » est inspirée par l’artiste antillaise María Martínez, chanteuse, guitariste et danseuse surnommée la Malibran noire.
Le récit de Marie NDiaye met en scène une narratrice universitaire qui fait des recherches sur ce personnage. Son travail est perturbé par l’irruption dans sa vie d’une chanteuse qui pourrait bien avoir quelque chose en rapport avec l’artiste que Nadar photographia du temps de sa splendeur, mais aussi de sa déchéance.
Production
Ircam-Centre Pompidou
Soutiens
Sacem ; CNM
D’après
« Un pas de chat sauvage » de Marie NDiaye (2019) © Coédition Flammarion / Musées d’Orsay et de l’Orangerie
En partenariat avec
la Friche la Belle de Mai
Ce texte a été écrit à l’occasion de l’exposition « Le Modèle noir » qui s’est tenue en 2019 au Musée d’Orsay.
« Écrire pour, avec, autour d’un texte de Marie NDiaye, est un rêve pour moi depuis des années. Depuis que je la lis, et même avant que je la connaisse. Nous étions à la Villa Médicis en 1990-91. Elle était incroyablement jeune et déjà totalement maîtresse de son art. C’est lors de mes visites hebdomadaires à Joseph, peint en 1819 par Géricault, que j’ai découvert le texte de Marie, commandé par le Musée d’Orsay pour l’exposition « Le Modèle noir » (2019). La chanteuse, guitariste et danseuse Maria Martinez, dite La Malibran noire, a été elle aussi, au milieu du XIXe siècle, modèle, comme Joseph, et photographiée par Nadar. C’est la première fois, je crois, que Marie NDiaye met une musicienne au centre d’un de ses livres. Et peut-être aussi la première fois que la narratrice dit vouloir devenir une femme noire. Enfant, moi aussi, je voulais être une femme noire. Ma mère m’avait expliqué patiemment que c’était impossible, à deux titres, né comme j’étais. Dire si ce texte m’a envoûté, et plus encore quand Jeanne Balibar en a donné une interprétation musicale si frappante qu’elle ne peut pas être au centre de ma musique, puisqu’elle est la musique elle-même. Ma musique est donc là simplement un climat, une respiration résonnante ou pulsée autour de ces mots phrasés / chantés. Elle est faite de courts fragments qui sont comme les signaux fugaces marquant les pointes du triangle que forment ces trois personnages féminins liés par la mémoire,
l’appropriation, le désir ou la peur d’être autre. Musique comme empreinte de destins fantômes. Je pense, ou plutôt, je sens intimement le livre de Marie NDiaye, et en conséquence, notre tentative de musique, comme un hommage à cette artiste vaillante qu’était Maria Martinez, attirante parce qu’exotique, remarquée parce que talentueuse, mais moquée parce que noire. Si l’on considère que David Lescot, auteur, metteur en scène, est aussi musicien, compositeur, et qu’il a réalisé lui aussi, pour la scène, un portrait magistral d’une autre chanteuse noire, Nina Simone, on comprendra qu’il y a bien des fils entrecroisés dans cette Musique-Fiction #6. » — Gérard Pesson
« Le texte de Marie NDiaye retrace au prix de multiples détours, dans un dispositif très sophistiqué, le parcours méconnu de la chanteuse Maria Martinez. C’est un vertige en forme d’enquête, une affaire de projection, de triple transfert, transfert d’une femme vers une autre… C’est subtil mais entêtant, comme la musique de Gérard Pesson, ou comme certains parfums dans les poèmes de Baudelaire. Penser ce texte comme une partition, dont celle de Gérard Pesson révélerait et augmenterait la musicalité.
Et Jeanne Balibar serait non seulement la voix mais aussi une partie de l’instrumentarium de cette exécution musicale d’un texte littéraire. On puiserait dans son interprétation la matière d’un orchestre de mots, de sons, de souffles. Car Jeanne Balibar est sans cesse au présent : elle performe, elle invente et elle déroute, y compris quand elle lit ; ça ne peut s’écouter que de très près, et même plus que près. Ça se joue à l’intérieur. »
— David Lescot
Marie NDiaye
Écrivaine
Née à Pithiviers (France) le 4 juin 1967, Marie NDiaye a fait des études de linguistique à la Sorbonne et a obtenu une bourse de l’Académie de France pour étudier à la Villa Médicis, à Rome. Elle s’est mise à l’écriture très tôt, vers l’âge de douze ans. À dix-sept ans, elle publie son premier roman, « Quant au riche avenir », aux Éditions de Minuit. Son roman « En famille » connait du succès lors de sa publication en 1990 et la consécration suit en 2001 avec le roman « Rosie Carpe » qui lui vaut l’obtention du Prix Femina. Si Marie NDiaye est avant tout une romancière, elle a aussi écrit pour le théâtre, notamment « Papa doit manger », pièce qui fait partie du répertoire de la Comédie Française. Elle a également publié un recueil de nouvelles, en 2004, intitulé « Tous mes amis » et trois romans jeunesse (« La Diablesse et son enfant » (2000), « Le Paradis de Prunelle » (2003) et « Le Souhait » (2005). Elle a également contribué à l’écriture du scénario du film « White Material » de Claire Denis.
Gérard Pesson
Compositeur
Né en 1958 à Torteron (Cher). Après des études de Lettres et de Musicologie à la Sorbonne, puis au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, Gérard Pesson fonde en 1986 la revue de musique contemporaine ‘‘Entretemps’’. Il est pensionnaire de l’Académie de France à Rome (Villa Médicis) de 1990 à 1992. Lauréat du Studium International de composition de Toulouse (1986), de « Opéra Autrement » (1989), de la Tribune Internationale de l’Unesco (1994), il obtient en 1996 le prix de la Fondation Prince Pierre de Monaco.
Ses œuvres ont été jouées par de nombreux ensembles et orchestres en Europe : l’Ensemble 2e2m, l’Ensemble intercontemporain, l’Instant Donné, l’Ensemble Cairn, l’Ensemble Modern, le Klangforum Wien, l’Ensemble Recherche, l’Ensemble Ictus, Alter Ego, Accroche Note, Erwartung, l’Orchestre National de Lyon, Orchestre national d’Île-de-France, l’Orchestre Symphonique de la Radio Bavaroise. Son opéra « Forever Valley », commande de T&M, sur un livret de Marie Redonnet, a été créé en avril 2000 au Théâtre des Amandiers à Nanterre. Il a publié en 2004 aux Éditions Van Dieren son journal « Cran d’arrêt du beau temps ». Son opéra « Pastorale », d’après « L’Astrée » d’Honoré d’Urfé, commande de l’Opéra de Stuttgart a été créé en version de concert en mai 2006 (création scénique juin 2009, au Théâtre du Châtelet à Paris). Son concerto, « Future is a faded song », est créé en 2012 par Alexandre Tharaud et l’Orchestre de Zurich sous la direction de Pierre-André Valade. Il crée en 2019 l’Opéra « Trois Contes » à l’Opéra de Lille dans une mise en scène de David Lescot. Il est professeur de composition au Conservatoire national supérieur de musique de Paris depuis 2006.
David Lescot
Auteur, metteur en scène, musicien
L’écriture de David Lescot, comme son travail scénique, cherchent à mêler au théâtre des formes non dramatiques, en particulier la musique. Sa pièce « Un Homme en faillite » qu’il met en scène à la Comédie de Reims et au Théâtre de la Ville à Paris en 2007, obtient le Prix du Syndicat national de la critique de la meilleure création en langue française. L’année suivante, la SACD lui décerne le prix Nouveau Talent Théâtre. Pour L’Européenne, il obtient le Grand Prix de littérature dramatique en 2008. C’est en cette même année qu’il crée « La Commission centrale de l’Enfance », récit parlé, chanté, scandé des colonies de vacances créées par les juifs communistes en France, qu’il interprète seul accompagné d’une guitare électrique tchécoslovaque de 1964. Le spectacle tourne en France et à l’étranger durant cinq saisons. David Lescot remporte pour ce spectacle en 2009 le Molière de la révélation théâtrale. Il monte en 2011 son premier opéra : « The Rake’s Progress Stravinsky » à l’Opéra de Lille. Suivent en 2013, « Il Mondo Della Luna » de Haydn à la MC93-Bobigny, avec les chanteur·euse·s de l’Atelier lyrique de l’Opéra Bastille, puis en 2014 « La Finta Giardiniera » de Mozart de nouveau à l’Opéra de Lille puis à l’Opéra de Dijon, avec Emmanuelle Haïm à la baguette. En 2019, il met en scène trois contes, une création lyrique de Gérard Pesson. David Lescot est artiste associé au Théâtre de la Ville. Ses pièces sont publiées aux Éditions Actes Sud-Papiers, traduites publiées et jouées en différentes langues.
Robin Meier
Réalisateur en informatique musicale
Artiste et compositeur, Robin Meier s’intéresse à l’émergence de l’intelligence, qu’elle soit naturelle, artificielle, humaine ou non-humaine.
Désigné comme « maestro de l’essaim » par Nature ou simplement « pathétique » sur Vimeo, ses travaux sont présentés en France comme à l’étranger : Palais de Tokyo, Centre Pompidou, Art Basel, Biennale de Shanghai, Colomboscope Sri Lanka… Depuis 2018, il est Fellow de l’Istituto Svizzero di Roma et enseigne l’art sonore aux Beaux-Arts de Berne depuis 2021.
Friche la Belle de Mai (le Module)
41, rue Jobin13003
Marseille
TARIFS
Plein : 8€
Réduit : 6€ *
* Jeunes 12 — 25 ans, étudiant·e·s, demandeur·euse·s d'emploi, bénéficiaires des minima sociaux, intermittent·e·s, séniors de 65 ans et plus — sur justificatif.
Pass Musiques-Fictions * : 10€
* (donnant accès à deux séances dans la même soirée : Musique-Fiction 6 + Musique-Fiction 7)
DURÉE
50 min.
Marie NDiaye
texte
Gérard Pesson
musique
David Lescot
adaptation
Robin Meier
réalisation informatique musicale Ircam
Clément Cerles
ingénierie sonore
avec la voix de
Jeanne Balibar
musique enregistrée par
l’ensemble Cairn
composé de
Laurent Camatte
alto
Caroline Cren
piano
Ayumi Mori
clarinette
Fanny Vicens
accordéon
Christelle Séry
guitare