Résidence d'élaboration d'une librairie sonore
« Tout bruit écouté longtemps devient une voix »
— Victor Hugo, Fragments
« Au petit matin, sur le Rhône, tout est rose. Cette couleur qui domine le lever et le coucher du Soleil envahit tout le ciel. Il annonce le Mistral qui viendra souffler encore et encore puissamment jusqu’à nous éroder comme les pierres.
J’ai enregistré les effets de ce vent du Nord sur la halte fluviale, tout y craque, les bateaux bougent comme en pleine mer, des vagues énormes lèchent les poteaux d’amarrage.
Les roseaux qui bougent aux gré du vent, sont partout dans cette région à la spécialité de vannerie. Pendant que j’explore ce coin isolé de la Provence à la recherche de sons, sur le bord de la route, aux abords du fleuve, je vois des gitans qui épluchent les grandes tiges d’osier et essaiment aux gré du vent les panaches blancs.
Je passe mon chemin en me promettant de revenir les voir, de m’assoir avec eux pour qu’ils me racontent comment ils vivent de cette activité en totale désuétude, pour écouter le son de leurs mains qui travaillent.
Je suis pour le moment à la recherche de sons bruts, moins documentaires, issus de procédés expérimentaux, comme enregistrer des sons sous l’eau à l’aide de mes hydrophones, mélanger les techniques pour capturer un moment, un lieu, un élément. Toutes ces choses intangibles et abstraites qui ressemblent à la sculpture. Comme si le son était une terre argileuse à modeler.
Nous sommes à proximité du barrage de Vallabrègues, dernière écluse avant la Mer. Là c’est la force brute, la « Force Liquide » de l’eau. J’effectue des enregistrements de la sphère électromagnétique à cet endroit où la puissance qui se dégage des flots qui jaillissent du barrage est stockée dans les énormes accumulateurs d’où sortent de puissants câbles qui alimentent tout le pays. » — Julie Rousse
Au centre du projet Une voix Parcourt le Rhône, débuté en 2019, il y a la question de l’eau, devenue essentielle, et qui nous rappelle que les ressources naturelles sont limitées et précieuses. Julie Rousse entreprend en 2020 le parcours du fleuve entre le Glacier de la Furka où il prend sa source, et son embouchure dans le Delta de Camargue – afin de poursuivre les enregistrements sonores mixant techniques traditionnelles et expérimentales, selon un fin maillage géographique. À l’instar de ces fleuves récemment dotés du titre « d’entité vivante », elle tente de faire émerger et donner corps à la voix du fleuve dans une installation audiovisuelle impulsée par des données en temps réel.
Julie Rousse
artiste sonore