Résidence de création

« Dans ce projet en création L’imaginaire de la mer, il n’y aura pas de langage parlé, mais une intention de faire sentir, en exploitant la physicalité du son et en s’appuyant sur les effets psychoacoustiques, les évolutions de la perception du paysage sonore de la mer vu depuis la perspective contemporaine européenne. 

Mon défi sera d’utiliser exclusivement des sons de provenance marine, au sens large du terme, enregistrés par moi-même : captés au bord, en dessus, en dessous et à distance de la mer à l’aide de microphones aériens, hydrophones, capteurs des ondes électromagnétiques, anti-radio, etc. Cette matière sera ensuite méticuleusement travaillée et mixée avec une attention particulière à la multidiffusion et au travail de l’espace dans l’objectif d’une création sonore dont la forme reste encore à définir, et qui s’appuie conceptuellement sur différentes interprétations du son de la mer à l’intérieur d’un coquillage.

Comme pour la plupart des gens qui ont grandi loin de la mer, mon premier contact avec cette immense étendue d’eau salée en perpétuel mouvement s’est fait au travers d’un objet très fréquent dans n’importe quel ménage à travers le globe — un coquillage qui "restitue le bruit de la mer", comme disait tout le monde autour de moi.

Le fascinant article « Seashell Sound » de Stefan Helmreich publié dans le trimestriel Cabinet, Issue 48 (NY, Winter 2012-2013), décrit l’évolution des explications de ce phénomène à travers l’histoire européenne. Au-delà du potentiel curieux et humoristique que chaque explication engendre, toutes reflètent la relation entre l’audition, le monde et le soi à un moment donné de l’existence de l’humanité.

Dans le monde occidental, les premières explications qu’on trouve concernant le phénomène, c’est d’abord le coquillage lui-même qui chante, parle et soupire, faisant écho à des passés océaniques et communautaires lointains. Il agit à la fois d’une oreille et d’une bouche, captant et reproduisant différentes formes de réalités poétiques et mythologiques issues du passé.

Au XIXe siècle, apparaît l’explication selon laquelle les sons que nous entendons dans les coquillages sont les vibrations de notre environnement, concentrées et résonnant à l’intérieur de l’orifice. Nous les associons au son des vagues, uniquement parce que nous savons que le coquillage provient à l’origine de la mer. Dans cette perspective, le coquillage devient un objet qui capte et restitue le moment personnel et présent de chacun·e.

En même temps que le langage des ondes vibratoires envahit le domaine scientifique, certains spiritistes s’approprient l’explication en cherchant dans les vibrations du monde captées par des coquillages, les voix des morts. En tant que médiums spirituels, les conques sont des chuchoteuses de secrets étrangement actives, avec des voix la plupart du temps féminines.

L’affirmation erronée selon laquelle ce que nous entendons à l’intérieur des coquillages est le flux de notre propre sang, persiste encore jusqu’à aujourd’hui.

La comparaison est rendue possible grâce à l’invention et à l’amélioration du stéthoscope. Dorénavant, dans l’imagination de la plupart des gens, la conque délivre des sons imaginés au plus profond des corps humains, plutôt qu’à l’extérieur de ceux-ci. Dans cette perspective, le lointain océanique se présente comme un bruit venant de l’intérieur, le corps de l’auditeur devient lui-même la coquille qui porte le son. »

— Olga Kokcharova

Mentions
Biographie(s)
L'imaginaire de la mer (titre provisoire)
Olga Kokcharova
Résidence
Lun. 28 octobre —— Sam. 2 novembre 2024
Distribution

Olga Kokcharova 
artiste sonore et compositrice

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