Notre Musique ( « un champ, une mine ou alors un sanctuaire » ) est un récital augmenté de piano avec et autour des œuvres du compositeur Claude Debussy qui convoque vidéo, performance, expérimentation et spatialisation sonore.

Où en est le récital « classique » ? Quel rapport entretient-il avec le monde ? 

Pour l’interprète instrumentiste, le récital est le lieu du dire musical et d’expression de sa subjectivité esthétique. C’est aussi un dispositif où l'œuvre semble jaillir ex-nihilo, comme séparée et extérieure au réel. Dans ces modalités, l’interprète comme l'œuvre sont réduits à un aspect de ce qu’ils·elles sont et par conséquent condamné⸱e·s à perpétuer le mythe démiurgique du chef-d’œuvre. Que pourrait être alors un récital où les questions de la situation de l’interprète et du contexte de fabrication de l'œuvre entrent en jeu ?

Le répertoire pour piano de Claude Debussy a vu le jour en période coloniale et certaines de ces œuvres font directement référence à l’Ailleurs et à l’Autre. Leur condition d’existence relève tout autant du talent du compositeur que du contexte politique dont il a pu bénéficier et ainsi découvrir le gamelan ou le cakewalk si importants dans son écriture. À quoi ces œuvres font-elles écho et comment résonnent-elles aujourd’hui ? À quelles questions et quels récits le son fait-il parfois écran ?

Il s’agit donc pour Haga Ratovo, d’une part, de jouer la musique de Debussy telle qu’on l’entend généralement, par le biais d’un programme musical où les pièces Pagodes et le Petit nègre en constituent la colonne vertébrale. Par le biais de l’expérimentation sonore, il souhaite d’autre part, jouer dans la matière sonore Debussy : la rendre poreuse, qu’en elle puisse avoir lieu et émerger les fantômes qu’elle renferme tout autant que les idées, les questionnements, les images, les références musicales, littéraires et poétiques liées à la race qu’elle porte en puissance et suscite chez Haga Ratovo. Enfin, jouer dans Debussy signifie également mettre en situation des matériaux qui le caractérise autrement que par le son (partitions pour piano du compositeur, archives, vidéos de pianistes sur youtube, représentations de la figure du compositeur dans l’espace public…).