Portrait d’ombres est une série de solos sonores pour quatre musicien·ne·s engagé·e·s dans une pratique audacieuse, risquée de la musique, vers un infini du son.
Ces quatre solos pourraient être considérés indépendamment et pourtant ils ne font qu'un, comme un seul organisme composé de quatre cellules actives. La succession de ces quatre solos laisse apparaître au fur et à mesure un même solo qui se transforme, par différents procédés d'écriture musicale et d'imagination intime et collective. Portrait d’ombres est une traversée à la fois solitaire et commune d'un objet en devenir.
Note d'intention
Portrait d’ombres est une série de portraits sonores pour instruments solos. La particularité de cette série vient du fait que je compose une partie de la musique et je laisse volontairement des parties non écrites, à l’intention de l’interprète. À lui de remplir ces parts manquantes de la partition. Ces parts manquantes je les nomme "Les Ombres". J’écris jusqu’à ce que je trouve l’ombre, comme on la trouverait au détour d’un chemin, presque par hasard. Elle ouvre d’autres possibles, d’autres inventions acoustiques. On peut parler de croisements, de juxtapositions, de brèches ou de ruptures… Et surtout d’échos, de continuer les fils de ce qui aurait pu être…
Ce mode d’écriture, que l’on nomme aussi écriture ouverte je l’ai expérimentée en tant qu’interprète et compositeur en découvrant John Cage mais aussi avec Stockhausen, Boucourechliev, Globokar, Boulez, Christian Wolf… Avec ce concept d’écriture, la notion de non-relation formelle "en dehors de l’instant" (on pense à la géniale et emblématique pièce silencieuse 4’33 de John Cage) me questionne profondément. Quel est le lien entre deux événements sonores si j’enlève les codes qui préexistent à la linéarité du discours musical ? C’est dans l’instant de la rencontre que la relation se crée et cet instant devient bouleversant par sa force de l’inattendu, comme le dévoilement d’un monde… Yves Bonnefoy disait que « le langage efface le monde, il s’agit par la poésie de le retrouver », Portrait d’ombres se situe à cet endroit, dans cette poétique de la musique, dans sa fragmentation…
Ce dispositif de composition interroge donc ma relation intime à "l’inconnu" de ma propre écriture musicale. Et pour ce faire j’invente une relation de dialogue entre l’interprète et moi-même, un peu en proximité de l’idée de Marcel Duchamp "le regardeur" fait le tableau. Ici, l’interprète n’est pas seulement le passeur, le médium, il plie un autre pli dans ma propre musique. En cela chaque portrait que je compose devient l’autoportrait de l’interprète.
Avec ce jeu de miroir portrait/autoportrait nous approchons aussi d’un théâtre musical, ce théâtre musical que j’aime tant, théâtre de l’invisible où la relation est de l’ordre d’une résonance, d’un lien, d’une rencontre et du gué secret entre le compositeur et l’interprète.
L’élaboration de l’écriture instrumentale est elle, jeu de transpositions. Pour chaque solo j’élabore des techniques d’écritures en relation avec chacun des instruments. En ce sens, le mot "étude" définit bien le champ de recherche et d’expérimentation instrumentale. La transposition intervient au moment où je réécris le solo pour un des trois autres instruments. On pourrait comparer cette réécriture à la traduction dans le domaine littéraire. Comment passer de la harpe à la clarinette, du piano à la percussion… C’est un paysage sonore à la fois constant et en perpétuel changement où chaque instrument éclaire différemment ce même lieu. Les quatre solos sont joués à la suite avec trois interludes qui me permettent de glisser d’un solo à l’autre. Ces interludes courts, sont écrits pour le quatuor et donnent ainsi la sonorité pleine de l’ensemble instrumental.
Je m’attarde sur ce point : l’ensemble instrumental… Il faut considérer ces quatre solos comme quatre points formant une ligne, une suite. le solo est à la fois un tout, à l'image d'une cellule humaine, et une partie de ce tout formé par les quatre solos et les trois interludes. Cela renvoie à l’écoute temporelle de l’ensemble et à l’expérience de l’auditeur.rice qui transforme son écoute au fur et à mesure du déroulement de la pièce et de sa compréhension de la variation du matériau musical.
Cela me rappelle l’œuvre littéraire de Lawrence Durrell Le Quatuor d’Alexandrie, qui est sans doute le point de départ de mon désir d’écrire cette pièce musicale. Dans cet ensemble de quatre romans Durrell présente différentes perspectives et approches des mêmes évènements. Cette œuvre de Durrell m’a toujours fasciné tout comme la variation en musique, dans la transformation incessante du matériau de base et de sa plasticité. De sa faculté à ouvrir toujours d’autres imaginaires…
Quatre instruments dont chacun forme une île, une machinerie instrumentale isolée. Piano, harpe, percussion, clarinette : de l’attaque à la résonance, du souffle à la mélopée… Comme un jeu quatre fois recommencé, comme l’image d’un puzzle non fini et qui ne trouve pas sa solution.
Production et diffusion
Athénor scène nomade - CNCM
Avec le soutien de
la SACEM
Portrait d'ombres a reçu l'aide à l’écriture d’une œuvre musicale originale du ministère de la Culture - Préfet de la Région Pays de la Loire
Claudine Simon développe un travail de création sonore qui s'attache à expérimenter la lutherie et les capacités du piano. Elle conçoit des performances qui lui permettent d’interroger son rapport à l'instrument en déconstruisant les représentations qui lui sont associées.
Jean-Christophe Feldhandler
Vers l’âge de six ans, il rencontre Pierre Chériza et son tambour Haïtien. L’été de ses dix ans, il découvre Cosi Fan Tutte, Mozart et l’opéra... Il commence l’apprentissage du piano vers le même âge. Percussionniste de formation avec comme professeur Sylvio Gualda, il suit également les cours de composition à Paris de Carlos Roque Alsina. Après une rencontre déterminante avec le compositeur Mauricio Kagel au centre Acanthes en 1981, il dirige son parcours de musicien vers le croisement des langages artistiques. Il ne revendique aucun courant musical en particulier mais ses influences sont multiples, depuis le chant polyphonique de la renaissance jusqu’à Alban Berg, John Cage, Morton Feldman, Luigi Nono mais aussi le free jazz... Il est l’un des membres fondateurs du Quatuor de percussion Hêlios dédié à l’interprétation de la musique de John Cage et à la création d’œuvres nouvelles pour percussion avec notamment des compositeurs.trices comme Kaija Saariaho, George E. Lewis, Jean-Pierre Drouet, Vinko Globokar ou Georges Aperghis. Il travaille avec le théâtre et les metteurs en scène Thierry Bedard, Marc Feld ou Bruno Boulzaguet, avec les arts visuels et le vidéaste Hugo Arcier et le plasticien Philippe Charles, avec les écritures poétiques contemporaines et l’auteur Raharimanana, et récemment avec le mouvement et le cirque depuis sa rencontre avec la Cie La Migration et leur première collaboration Landscape#1 en 2016. Implanté à Nantes, il développe des liens et des projets avec des musiciens et compositeurs de la région, par exemple avec Jérôme Joy ou l’électroacousticien Christophe Havard. En tant qu’artiste complice de Athénor-Scène Nomade Centre National de Création Musicale- depuis plus de dix ans, Jean-Christophe Feldhandler a créé plusieurs spectacles jeune public/tout public, dont Mon navire sur la mer, Terrain Vague, Portrait composite, Children’s corner & variations... Jean-Christophe Feldhandler se passionne également pour la transmission et dirige régulièrement des ateliers de créations pédagogiques, au cours de ses partenariats avec Athénor, le CNCM Césaré à Reims, le CFMI d’Aix en Provence, l’ARIA en Corse.
Fabrice Arnaud-Crémon
Clarinettiste depuis l’âge de 8 ans, Fabrice Arnaud-Crémon a débuté à l’école de musique et au sein de l’orchestre d’harmonie du Dorat (Haute-Vienne). Il a été l’élève d’Yves Grangean et de Jean Espuna, avant de se perfectionner auprès de Michel Arrignon et d’Alain Damiens à Paris. Il a étudié notamment au département de pédagogie du Conservatoire National Supérieur de Musique (CNSM). Il s’intéresse à toute la richesse des pratiques liées à son instrument, que ce soit à travers le répertoire, les transcriptions, ou encore la création contemporaine. Sa curiosité artistique l’amène à se produire dans des contextes très variés et parfois insolites, qui privilégient souvent le jeu en petite formation ou en soliste. Il est musicien associé et conseillé artistique auprès d’Athénor – scène nomade, centre national de création musicale de Saint-Nazaire. Il développe dans ce cadre de nombreux projets dont le festival « instants fertiles », rencontres dédiées aux modes d’expression contemporains, expérimentaux et/ou improvisés, en partenariat avec le conservatoire à rayonnement départemental de Saint-Nazaire. Titulaire du certificat d’aptitudes aux fonctions de professeur de clarinette, Fabrice Arnaud-Crémon enseigne dans cet établissement depuis 2002.
Hélène Breschand
Compositrice française née le 18 mars 1966. Harpiste formée au Conservatoire de Paris dans la classe de Brigitte Sylvestre, Hélène Breschand est co-fondatrice des ensembles Laborintus et Topophonie.
Avide d'expériences transfrontalières, sensible aux multiples disciplines artistiques, elle mène une carrière de soliste et de chambriste, tant à travers le répertoire contemporain et les créations jazz, que l'improvisation, le théâtre musical et les arts plastiques. Dédicataire de plusieurs pièces pour harpe solo, elle interprète les œuvres de Georges Aperghis, John Cage, Mauricio Kagel, Luc Ferrari, Eliane Radigue, Jacques Rebotier, Georgia Spiropoulos, Yoshihisa Taïra, Kasper Toeplitz, ou encore Ton-Thât Tîet. Elle contribue à renouveler le rituel du concert et du spectacle en privilégiant des lieux inattendus tels que les usines, caves et grottes. Parmi ses collaborations, elle joue au sein du Trio Hélène Breschand avec Sylvain Kassap (cor de basset) et Didier Petit (violoncelle), en duo avec Wilfried Wendling (ordinateur et images), ainsi qu’en duo avec Jean-François Pauvros (guitare électrique).
Autodidacte en composition, elle adopte une écriture graphique et libre, harmonisant les silences et résonances : Sleeping woman pour voix, théâtre musical (2000) ; Salomé, musique pour le film de Charles Bryant (2003) ; Fire, pièce électroacoustique (2007) ; Soleil rouge, lune folle pour alto (2013) ; L pour ensemble et bande (2013) ; Sans retour, pièce électroacoustique (2014) ; Entre ciel et terre pour violoncelle (2015) ; Maternité secrète, musique pour le film de Sophie Bredier (2016) ; Delta pour harpe électrique (2017) ; La Sybille pour harpe (2017).
Enseignante au Conservatoire du sixième arrondissement de Paris, elle donne aussi des masterclasses, notamment aux conservatoires de Paris, Strasbourg, Genève, Annecy, mais aussi à Istanbul et en Chine.
Co-auteur d’un répertoire des signes contemporains à la harpe aux éditions Minerve, elle anime également la collection de partitions contemporaines « le fil rouge » aux éditions Misterioso.
Lê Quan Ninh
De formation classique, le percussionniste Lê Quan Ninh mène depuis le début des années 80 une activité musicale partagée entre interprétation de la musique contemporaine et improvisation libre. Il fut un des membres fondateurs du Quatuor Hêlios, ensemble de percussion de 1986 à 2012 (créations de Jean-Pierre Drouet, George E. Lewis, Kaija Saariaho, Jean-Christophe Feldhandler, Jean-Louis Charpille, Daniel Koskowitz, Vinko Globokar, Giorgio Battistelli, Chrichan Larson, Luc Therminarias, Georges Aperghis, etc.).
Avec la violoncelliste Martine Altenburger, il fonde en 2006 l’ensemble]h[iatus, un ensemble de musique contemporaine dont ses membres sont à la fois interprètes et improvisateurs (créations de Vinko Globokar, Peter Jakober, Steffen Krebber, Jennifer Walshe, Anthony Pateras, Jürg Frey, etc.). Il est l’un des conseillers artistiques à titre bénévole de l’Association Ryoanji et du festival Le Bruit de la Musique qui développent – en Nouvelle-Aquitaine principalement mais aussi bien au-delà – un travail de création, de sensibilisation et de transmission consacrée à la création musicale contemporaine.
En tant qu’improvisateur, il s’est consacré à plusieurs formations régulières avec des artistes comme Daunik Lazro, Michel Doneda, Beñat Achiary, Dominique Regef, Paul Rogers, Frédéric Blondy, Peter Kowald, … et en a rencontré plus occasionnellement un très grand nombre d’autres.
Il entretient une relation privilégiée avec la danse (Franck Beaubois, Marie Cambois, Clara Cornil, Olivia Grandville, Masaki Iwana, Patricia Kuypers, Fine Kwiatkowski, Yukiko Nakamura, Michel Raji, Kirstie Simson, Moeno Wakamatsu, Toru Iwashita, Emmanuelle Pépin, Anna Pietsch…).
Il fut l’un des membres fondateurs de l’association La Flibuste à Toulouse de 1988 à 2002, un collectif d’improvisateurs de toutes disciplines (musique, danse, cinéma et vidéo expérimentale, performance, etc.) et a participé quelques années au collectif Ouïe/Dire.
Il publie en 2010 aux éditions Mômeludies Improviser librement – Abécédaire d’une expérience dont une édition révisée et augmentée est parue en 2014 chez le même éditeur. Cet ouvrage a été traduit en anglais et disponible aux éditions Publication Studio. Un addendum 2018 est disponible à la lecture dans la Revue des Ressources.
Friche la Belle de Mai (Petit Plateau)
41, rue Jobin13003
Marseille
DURÉE
1h
TARIFS
Unique 6€
Carte de fidélité Modulations 30€*
Nombre de places limité
*Donne accès à toutes les Modulations de la saison 23-24
BILLETTERIE
En ligne : gmem-cncm.mapado.com
Par mail : billetterie@gmem.org
Sur place : le jour même de la représentation, une demi-heure avant le spectacle, dans la limite des places disponibles.
DANS LE CADRE DES MODULATIONS
Les Modulations, c’est quoi ?
Ce sont des concerts, des performances, des événements réguliers…
Autrement dit, une saison organisée par le GMEM.
Dates du 2ème semestre :
16/01 — 20/02 — 03/03 — 19/03 — 16/04 — 12/05
Jean-Christophe Feldhandler
composition
Fabrice Arnaud-Crémon
clarinette
Hélène Breschand
harpe
Lê Quan Ninh
percussion
Claudine Simon
piano